5 questions à Robert-François Rastoul, avocat et médiateur
Robert-François Rastoul est avocat à Toulouse et formé médiateur depuis 2007. Il est notamment connu pour avoir plaidé pour les salariés présents sur le site de l’usine AZF lors de son explosion en 2001 et pour avoir défendu avec succès les patients de l’hôpital Rangueil dans l’affaire des surirradiés de Toulouse. Il a créé en 2011 l’association Médiateurs ad hoc.
Quel est l’intérêt de la médiation ?
La médiation représente un gain de temps et d’argent. Son caractère très souple s’oppose à la rigidité de la procédure en justice. Pour le justiciable, c’est une formule gagnant-gagnant. C’est pourquoi, dans mon quotidien d’avocat, je réfléchis toujours à cette possibilité et, quand j’estime que le dossier le mérite, je conseille alors à mes clients de se tourner vers la médiation.
D’ailleurs, je vois de plus en plus de personnes qui font appel à notre association Médiateurs ad hoc, considérant qu’il vaut mieux se parler et rester sur un terrain amiable, et cela aussi bien pour de petits litiges entre voisins que pour des litiges à gros enjeux financiers.
Qu’est-ce qu’un bon médiateur ?
Un bon médiateur doit faire preuve de nombreuses de qualités dans des domaines très différents. Dans les textes qui définissent ce qu’est la médiation et quels sont les critères pour être médiateur, il est indiqué que le médiateur doit suivre une formation, il s’agit là de la base technique, mais il lui faut aussi une expérience professionnelle. Car la médiation n’est pas un métier mais le fruit de la rencontre d’une méthode et d’une expérience.
L’expérience est vraiment la partie essentielle pour un médiateur, j’entends par là l’expérience professionnelle mais aussi l’expérience de la vie tout court. Un médiateur doit avoir une sensibilité, une empathie, une intuition. Ce sont ces qualités, avant toute chose, qui font qu’une personne sera un bon médiateur, avant même l’application de la méthode apprise. Le médiateur doit faire appel à son intelligence émotionnelle.
Un conseil à ceux qui voudraient pratiquer la médiation ?
Je leur conseillerais d’être à l’écoute, patients, attentifs aux autres, d’avoir une ouverture d’esprit qui permette de ne pas porter de jugement de valeurs ou de jugements d’ordre moral. Aux avocats en particulier, je leur conseillerais de bien différencier les deux fonctions, car l’attitude d’un avocat et celle d’un médiateur n’est pas du tout la même : l’avocat est plus directif et distant tandis que le médiateur s’imprègne de toute l’histoire de ses clients.
Pourquoi avoir créé la Compagnie des Médiateurs de Justice de France ?
Aujourd’hui, on constate une prise de conscience de la part du législateur, de la chancellerie et des magistrats par rapport à la médiation. En effet, depuis ces dernières années, pas une audience solennelle de rentrée des magistrats ne se déroule sans avoir évoqué l’utilité, voire la nécessité, du recours aux modes de résolution amiable. De plus, le nombre de personnes souhaitant devenir médiateurs ne cesse d’augmenter. Avec Éric Guérin, président de la CMJ et formateur de médiateurs, nous avons donc considéré, au vu du contexte, que nous étions aux portes d’une professionnalisation de la fonction de médiateur et qu’il était donc nécessaire de mieux la structurer car, pour le moment, elle n’est quasiment pas encadrée.
Dans le Code de procédure civile, seuls une vingtaines d’articles traitent de la médiation et il n’existe pas de statut de médiateur. C’est à la fois une bonne et une mauvaise chose : une bonne car cela permet à la médiation de rester souple, mais le revers de la médaille est qu’il peut y avoir de tout et n’importe quoi. Il faut faire en sorte que la fonction de médiateur garde tout son crédit mais aussi éviter qu’elle ne soit trop encadrée, trop rigidifiée.
C’est donc pour trouver cet équilibre que nous avons créé la Compagnie des Médiateurs de Justice. Il nous faut peser sur les pouvoirs publics, via cette association nationale, avec des personnes de tous horizons, pour favoriser la professionnalisation de la fonction de médiateur.
Quel est l’intérêt pour un médiateur d’adhérer à la CMJ ?
Les adhérents CMJ peuvent se retrouver au sein d’une structure associative, ils peuvent échanger leurs expériences, et contribuer ainsi à faire évoluer la méthode de médiation. Il est bon de se retrouver autour de nos valeurs communes que sont l’ouverture d’esprit, l’empathie et la créativité.